Résumé de la semaine de sensibilisation autour de l’accès équitable à l’éducation au Burkina Faso et au Luxembourg

Entre le 12 et le 21 novembre 2021, l’ONG Le Soleil dans la Main a organisé une semaine de sensibilisation autour de l’accès équitable à l’éducation au Burkina Faso et au Luxembourg. Les activités ont été cofinancées par le Ministère des Affaires étrangères et Européennes. La soirée débat du 19 novembre était inscrite dans le catalogue des évènements et activités pour célébrer la Journée mondiale de l’enfance 2021 organisée par le Service des Droits de l’Enfant du Ministère de l’Education Nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse en collaboration avec l’Ombudsman pour les droits de l’enfant et de la jeunesse.

L’objectif de la semaine de sensibilisation a été de sensibiliser la population luxembourgeoise sur l’accès équitable à l’éducation au Burkina Faso et au Luxembourg et de contribuer à une meilleure prise de conscience des inégalités existantes par rapport à l’accès à l’éducation dans ces deux pays.

Le droit à l’éducation est un droit humain fondamental et universel et l’un des rares droits ratifiés par presque tous les pays du monde. Selon l’article 29 de la Convention internationale des droits de l’enfant, l’éducation des enfants doit « viser à favoriser l’épanouissement de la personnalité de l’enfant et le développement de ses dons et aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de ses potentialités ; (…) préparer l’enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d’égalité entre les sexes et d’amitié entre tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux, et avec les personnes d’origine autochtone. » Le droit de l’enfant à l’éducation comprend également le droit de s’inscrire dans une école et le droit d’accès aux infrastructures scolaires ; c’est qui est loin d’être le cas pour tous les enfants, surtout pas pour les enfants dans le besoin.

À l’occasion de cette semaine de sensibilisation, l’ONG a eu l’honneur d’accueillir au Luxembourg une délégation de 5 de ses collaborateurs de l’ONG du Burkina Faso, qui ont été invité pour qu’ils puissent partager leur savoir et leurs expériences sur l’accès à l’éducation au Burkina Faso lors des différents activités de sensibilisation.

Pendant la semaine, nos invités de l’ONG Burkina Faso ensemble avec les membres de l’ONG Luxembourg ont assisté – entres autres – à deux ateliers scolaires, un pour deux classes du cycle supérieur du Lycée Josy Barthel à Mamer et un pour une classe du cycle inférieur du Lycée Edward Steichen à Clervaux pour sensibiliser à l’accès équitable à l’éducation. Lors de deux ateliers de sensibilisation de mini-clips, qui avaient été tourné par les élèves luxembourgeois eux-mêmes pendant la phase préparatoire des ateliers, ont été diffusés. Les films montrent les différents aspects de l’accès à l’éducation, c’est-à-dire l’accès à l’école, l’accès aux infrastructures et au matériel scolaire, ainsi que l’accès au soutien scolaire et aux activités parascolaires, du point de vue des élèves luxembourgeois et burkinabés. Après la diffusion des films les élèves ont eu l’occasion d’échanger avec la délégation du Burkina Faso sur les similarités et les différences concernant l’accès à l’éducation dans les deux pays.

De plus, une interview a été donnée à la radio 100,7. Une rencontre avec M. Charel Schmit, Ombudsman pour les droits de l’enfant et de la jeunesse au Luxembourg et une visite du centre thérapeutique de la Fondation Kannerschlass à Soleuvre, ainsi que leur Ecole des Parents à Esch-sur-Alzette ont également fait partie du programme.

À la fin de la semaine, une soirée débat a été organisée à la salle de fêtes « Robert Bohnert » du Lycée Classique de Diekirch, pour présenter la synthèse de la semaine et notamment les résultats des ateliers scolaires afin de les partager et d’en discuter avec le grand public venu nombreux à cette occasion.

Lors de cette soirée, les participants à la table ronde se sont réunis pour faire découvrir au public intéressé sur place et connecté via vidéoconférence d’une part les réalités du monde scolaire au Burkina Faso et au Luxembourg, mais surtout pour partager avec eux quelques réflexions et échanges sur l’accès équitable à l’éducation, tant au Luxembourg qu’au Burkina Faso. Ensuite, les différents aspects de la thématique ont été débattu, notamment quels droits de l’enfant sont primordiaux lorsqu’il s’agit d’aller à l’école et d’avoir un accès équitable à une éducation de qualité.

Tout d’abord, c’était M. Kalafoua Didier Kienou, Coordinateur National et Représentant de l’ONG Le Soleil dans la Main au Burkina Faso qui a posé le contexte avec une présentation de la situation des enfants et jeunes par rapport à l’accès à l’éducation au Burkina Faso, est surtout des problématiques majeures concernant le droit à l’éducation au Burkina Faso.

Comme au Luxembourg, l’éducation est universelle au Burkina Faso et est bien ancré dans la constitution et la législation du pays. Néanmoins, la législation est insuffisamment appliquée. De plus, le Burkina Faso a une population très jeune : les jeunes de moins de 5 à 19 ans représentent 40 % de la population, c’est-à-dire plus de 8,2 millions. Au niveau du financement du secteur, il faut noter que 28% du budget national sont alloués à l’éducation (norme minimale internationale = 20%), cependant, plus de 70% est destiné aux dépenses du personnel et moins de 11% pour les investissements. Suite à la présentation de ces chiffres, il n’est pas étonnant que l’offre éducative au Burkina Faso reste insuffisante, surtout dans l’enseignement post-primaire (collège) et secondaire (lycée) où le taux de scolarisation a été seulement de 50% respectivement de 22% pendant l’année scolaire 2019/2000. Dans la même période, la scolarisation au primaire a atteint 87%. Pour l’année scolaire 2019/2020, de 20.782 établissements scolaires fonctionnels, 72 % ont été des écoles primaires et que 21% des collèges/lycées. De plus, seulement 3,7% des établissements scolaires ont offert l’enseignement technique ou la formation professionnelle et le nombre d’écoles sous abris précaires (écoles sous paillotte) est en train d’augmenter malgré les efforts consentis par l’Etat et d’autres acteurs, dont les ONG. A tous les niveaux de l’enseignement, il manque encore des infrastructures de base minimale comme les toilettes, les points d’eau potable, les bâtiments administratifs, les laboratoires et les bibliothèques. Par conséquent, malgré l’existence d’un cadre légal, il existe une forte inégalité concernant l’accès à l’éducation qui défavorise les enfants au milieu rural, les groupes vulnérables, et les filles. Selon M. Kienou, les défis les plus urgents à relever au Burkina Faso sont la réalisation d’infrastructures éducatives dans les zones à faible taux de scolarisation, surtout au milieu rural ; la formation continue des enseignants pour améliorer les rendements scolaires ; le transfert des compétences des centres décisionnels vers les structures locales et l’implication des populations aux questions éducatives ; l’adaptation des offres de formation aux besoins du monde de l’emploi et la lutte contre le terrorisme qui compromet le droit à l’éducation d’une part importante de la population en âge scolarisable dans les zones touchées.

Ensuite, M. Charles Schmit, Ombudsman pour les droits de l’enfant et de la jeunesse au Luxembourg nous a informé avec sa présentation de la situation des enfants et jeunes par rapport à l’accès à l’éducation au Luxembourg et particulièrement des inégalités existantes.

Les enfants et jeunes scolarisables au Luxembourg est caractérisée par une forte proportion d’élèves des nationalités non-luxembourgeoises. Ainsi, pendant l’année scolaire 2019/2020, le taux des enfants non-luxembourgeois dans l’enseignement fondamental était de 45,9%. Le système scolaire luxembourgeois reflète les inégalités sociétales : l’origine sociale, le statut économique et l’origine migratoire déterminent les cursus scolaires des enfants. De plus, le taux des enfants et adolescents vivant sous le seuil de la pauvreté est en train d’augmenter. Ce taux est un des plus élevés en Europe (23,1%). Il est à noter, que les exigences linguistiques du système scolaire luxembourgeois désavantagent dès le début du cursus scolaire les enfants issus de familles non-luxembourgeoises. Des études montrent que les enfants immigrés ont en moyenne des performances scolaires plus faibles. De plus, au Luxembourg, ce sont – contrairement au Burkina Faso – les garçons qui ont plus de difficultés de poursuivre leur parcours scolaire que les filles : ils nécessitent plus de soutien scolaire, ils redoublent plus que les filles et ils quittent aussi plus vite le système scolaire.

Puis, M. Christian Yameogo, Coordinateur de l’axe « Education » de l’ONG Le Soleil dans la Main au Burkina Faso a présenté les résultats des ateliers de sensibilisation, qui ont eu lieu plus tôt dans la semaine. D’un côté, on a pu constater qu’il existe un bon nombre de similarités concernant la situation d’accès à l’éducation au Burkina Faso et au Luxembourg :

  • l’accès à l’éducation est un droit pour tous les enfants et par conséquent, l’école est obligatoire pour tous les enfants ;
  • l’accès à l’éducation est sans discrimination par l’État – c’est-à-dire l’école est ouverte à tous indépendamment du sexe, de la religion, de la couleur de peau, etc. ;
  • il y existe des grandes similitudes dans les cycles (maternelle, primaire, secondaire et université) et les disciplines enseignées (sport, mathématiques, anglais, français, allemand, histoire, géographie, etc.) ;
  • l’existence d’une gouvernance participative des établissements scolaires qui inclut les élèves (existence de délégués de classe, de comité des élèves, etc.).

D’autre côté, il y existe également des différences entre les deux pays concernant le système éducatif et l’accès aux infrastructures et équipement scolaires. Il a été constaté par les élèves, que :

  • au Luxembourg, en général il existe suffisamment d’infrastructures scolaires bien équipées (p.ex. 15-30 élèves par classe, existence d’une salle de sport, d’une cantine scolaire avec menu variable, ainsi que l’utilisation de supports technologiques pour les cours (i-pads, tableaux numériques, etc.)
  • au Burkina Faso, il manque souvent des infrastructures et des équipements scolaires (p.ex. 60-120 élèves par classe, existence d’une cantine scolaire avec un seul menu qui ne fonctionne pas nécessairement pendant toute l’année scolaire, utilisation des cahiers et des stylos, des ardoises avec la craie) ;
  • les écoles publiques au Luxembourg sont gratuites, alors qu’au Burkina Faso seulement l’école primaire est gratuite. De plus, il faut payer les cotisations de l ’association des Parents d’Elèves qui sont nécessaires pour garantir le fonctionnement courant de l’établissement (sauf les salaires des enseignants) ;
  • dans les écoles luxembourgeoises ils existent des cours de rattrapage gratuits. Ce n’est pas le cas dans les écoles au Burkina Faso. Il y existe uniquement des cours de soutien privés qui sont payants ;
  • il n’y a pas de tenue scolaire dans les écoles publics au Luxembourg, lorsqu’au Burkina Faso une tenue scolaire est obligatoire dans les établissements d’enseignement secondaire ;
  • il existe des activités parascolaires et ludiques dans les établissements scolaires au Luxembourg ainsi que des cours culturels et artistiques pour les élèves (cours d’art, cours de vie et société, etc.), tandis qu’au Burkina Faso il existe des journées culturelles dans les établissements. Les activités culturelles et ludiques ne font pas partie des curricula scolaires.

La synthèse des élèves à la fin des ateliers a montré qu’ils ont fortement apprécie l’échange avec la délégation du Burkina Faso et qu’ils ont été spécialement marqués par :

  • l’utilisation des matériaux locaux dans la construction des salles de classe au Burkina Faso ;
  • L’existence d’un multilinguisme au Luxembourg et surtout au Burkina Faso (avec plus de 60 langues parlées) ;
  • le grand confort offert par le système éducatif luxembourgeois par rapport à celui du Burkina Faso ;
  • les effectifs élevés dans les classes au Burkina Faso avec plus de 80 élèves ou malgré cela les enseignants réussissent à faire respecter la discipline ;
  • l’inexistence des cantines scolaires pendant un bon moment de l’année scolaire et l’existence d’un seul menu pendant toute l’année ;
  • le chemin de l’école long pour les élèves burkinabés (d’une demi-heure jusqu’á deux heures à pied ou en vélo) ;
  • le fait que malgré les différences, les étudiants burkinabés peuvent poursuivre leurs études dans les universités internationales comme les autres.

Ensuite, les trois présentateurs, rejoints par Madame Anne Eicher, enseignante au Lycée Edward Steichen de Clervaux qui est également bénévole de l’ONG, et Madame Elisabeth Kanzio et Madame Rachel Zongo, toutes deux mères éducatrices au Centre Noomdo pour enfants en détresse, que l’ONG a mis en place et anime depuis 2009, ont réagi à une série de questions qui ont ressorti principalement de la rencontre avec les lycéens.

Pendent cet échange les conditions d’apprentissage et d’enseignement à l’école et à la maison ont été thématisées. Étant donné la grande différence entre les effectifs de classe au Burkina Faso et au Luxembourg et l’accès au matériel scolaire, l’apprentissage des élèves et la gestion des classes par l’enseignant(e) est forcément plus difficile et par conséquent plus rigide au Burkina Faso qu’au Luxembourg. De plus, la table ronde a constaté une grande différence entre les deux pays concernant la place donnée aux activités de loisirs, de plaisir et aux jeux dans le cadre de l’école mais aussi au niveau de l’accès aux activités extrascolaires. Il a été noté qu’au Burkina Faso ces activités ne sont pas intégrées au quotidien scolaire, mais ont une place seulement pendant des évènements culturels organisés plusieurs fois par an. Par rapport à l’accès au service psychologique et à l’accompagnement social des élèves en détresse sociale ou en échec scolaire (harcèlement, violences à la maison, dépression, etc.), les dispositifs mis en œuvre sont également très différents au Luxembourg et au Burkina Faso. Pendant qu’au Luxembourg, ces services sont plus ou moins intégrés dans les écoles, cela manque au niveau des écoles burkinabés. Au Luxembourg, il faudrait améliorer l’inégalité géographique concernant l’éducation non-formelle (école pour adultes). Ensuite, l’accès au monde de travail des jeunes dans les deux pays a été discuté par la table ronde. Cela reste un défi dans les deux pays. Au Burkina Faso, il est nécessaire d’adapter les curricula pour que l’école prépare les jeunes mieux au marché du travail en dehors des fonctions publiques. De plus, il n’y a pas d’égalité de sexes concernant l’accès au marché de travail, c’est-à-dire les filles ont des difficultés de trouver un travail ou même d’accéder à l’université. Au Luxembourg, ce sont les filles qui ont la meilleure performance scolaire quand on regarde le rapport filles/garçon au niveau de l’obtention des diplômes/certificats, mais il persiste toujours des inégalités entre hommes et femmes dans le monde du travail. En général, la pandémie au Luxembourg a été un booster pour l’utilisation des technologies numériques dans le système scolaire, avec le résultat que les élèves sont mieux préparés au marché du travail. Enfin, les participants à la table ronde se sont mis d’accord qu’une importance primordiale doit être portée aux valeurs humaines et sociétales qui doivent être promues et transmises par l’école pour contribuer à améliorer la vie en société.

En dehors du programme officiel, la délégation du Burkina Faso a pu profiter d’un échange interculturel riche en expériences diverses grâce à une multitude de rencontres et activités avec nos bénévoles et sympathisants qui étaient présents tout au long de la semaine.

Par exemple, ils ont cuisiné des confitures avec l’association « Fraen a Mammen » de Clervaux. Ils ont préparé des amuses bouches pour accompagner le pot de l’amitié de la soirée débat avec le cuisinier de l’Internat Jos Schmit de Diekirch, M. Gregory Muller et ils ont également visité l’internat, accompagné de leur directeur M. Fernand Winkin.

Un grand MERCI à toutes et à tous pour avoir contribué au bon déroulement des activités de la semaine et d’avoir contribué à ce que nos collègues du Burkina Faso ont pu immerger pleinement dans la culture luxembourgeoise.